La savonnerie artisanale est un métier à part entière qui a connu un renouveau, ces dernières années. Voici en quelques mots, un petit tour d’horizon des obligations légales à respecter.
La savonnerie : un métier exigeant
Faire un savon, c’est facile ! Alors oui, mais non. Explications.
Voilà une phrase que nous avons entendue très souvent et qui n’est pas tout à fait exacte, car s’il est effectivement assez simple de fabriquer un savon avec une recette dégotée sur le web, il vous sera plus compliqué de pouvoir le commercialiser car les réglementations française et européenne sont strictes et nous obligent à respecter un certain nombre de points. Le but est simple : protéger le consommateur et l’informer des éventuels risques qu’il prend à utiliser un savon saponifié à froid.
Ce cadre étant posé, voici en quelques mots les process que nous avons mis en place pour être en règle avec les normes en vigueur.
La savonnerie dépend de la réglementation cosmétique (règlement CE n°1223/2009) ce qui signifie dans un premier temps que tout savon mis sur le marché doit être élaboré selon une recette précise, aussi bien en termes de quantité d’ingrédients qui seront fixes que de procédé de fabrication.
La savonnerie, un processus à respecter.
D’abord nous faisons appel à notre imagination, à l’envie de créer un nouveau savon et mais encore plus aux attentes et aux retours de nos clients. Cela commence par des mises au point à l’atelier où nous définissons les huiles végétales que nous souhaitons utiliser, les senteurs et donc les huiles essentielles que nous allons choisir ou bien encore les colorants (principalement des argiles, des épices et des oxydes minéraux) qui donneront leur charme au savon que vous utiliserez ensuite sous la douche. Ça, c’est l’aspect purement technique aussi appelé faisabilité. Grosso modo, est-il possible de fabriquer un savon selon nos envies ? Est-il moussant et crémeux comme vous les aimez ? A-t-il une durée d’utilisation suffisamment longue ? En résumé, le savon doit répondre à nos exigences et à vos souhaits.
Si c’est le cas, nous passons à la deuxième étape, celle d’estimer les coûts des différentes matières premières que nous avons choisies. Notre projet est-il viable financièrement dans le temps ? Les fournisseurs sont-ils en mesure de nous approvisionner régulièrement en matière première ? Existe-t-il des espèces protégées ou en voie d’extinction qui peuvent compromettre le projet dans l’avenir ? Nous sommes attentifs à ne pas utiliser d’ingrédients qui pourraient mettre en péril un écosystème.
Que dit la réglementation ? Beaucoup de choses !
Enfin, si les deux premiers points sont validés, qu’en est-il de la réglementation ? Chaque recette doit faire l’objet d’un dossier toxicologique nommé DIP (dossier information produit) dans lequel nous détaillons précisément la façon dont nous allons fabriquer le savon, ainsi que les différents calculs d’ingrédients avant et après saponification. Il faut également vérifier les teneurs maximales d’huiles essentielles que nous avons le droit d’introduire dans le produit. C’est le certificat IFRA qui nous apporte ces données. Enfin pour chaque huile essentielle, il faut vérifier la présence et la teneur de chaque allergène, selon une liste définie dans le règlement européen 1223/2009.
Une fois le DIP rédigé, entre quinze et vingt pages tout de même, nous le transmettons à notre toxicologue qui va valider ou non la recette. Nous fournissons, avec ce dossier, et pour chaque matière première, des documents tel qu’une fiche de sécurité, une fiche technique, un bulletin d’analyse correspondant au lot acheté. Bref ! Le dossier est conséquent et assez long à monter.
Évidemment, au laboratoire, nous avons conçu des fiches de production dans lesquelles nous notons exactement tous les poids des matières qui constituent la recette. D’autres paramètres sont également consignés : la date, la température dans le labo, l’opérateur, etc. Cette fiche nous permet de faire tout le suivi jusqu’à la mise en vente. Au cours du séchage, aussi appelé phase de cure, les savons sont régulièrement pesés, ce qui nous permet de voir l’évolution de la perte en eau. A chaque fois, il y a également un contrôle visuel. Enfin, et avant l’emballage des savons, nous réalisons une mesure du pH avec un pH-mètre. Le pH d’un savon doit se situer entre 8 et 10. A ce stade, si nous constatons un défaut du produit, qu’il soit lié à son odeur, à son aspect, à son poids ou à son pH alors le savon est au mieux déclassé ou carrément mis au rebut si nous estimons qu’il y a un risque pour l’acheteur.
La traçabilité, un élément incontournable.
Enfin, la traçabilité est un autre point essentiel du procédé de fabrication. Cela signifie que nous devons être en mesure de remonter toute la chaine de fabrication. Ainsi, chaque matière première comme l’huile d’olive par exemple, est codée selon une codification interne correspondant au code du fournisseur, la date de livraison, le type de matière. Nous devons remonter la chaine du savon vers l’huile et de l’huile vers les différents lots de savon produits. Cela exige de la rigueur et des fichiers nous permettant d’enregistrer toutes les données nécessaires au suivi de nos matières premières.
Et plus il y a de matières premières entrantes, plus il y a de fichiers !
Bref, faire un savon, c’est facile. Mais faire un bon savon crémeux, moussant et en règle avec les normes en vigueur, ce n’est pas si simple. Il faut du temps et de la rigueur pour proposer un produit ne présentant pas de risque à l’utilisation pour le consommateur, et qui corresponde aux mieux aux attentes de nos clients.